La Nuit sera calme
Écouter un extrait
10/04/2019 - Paris, Radio France - Thomas Ospital (orgue), Jean-Claude Gengembre (percussions)
En associant l'orgue et la percussion, j'ai imaginé des alliages de sonorités aptes à tisser des liens d'interaction entre ces deux mondes sonores. Ainsi, dans cette pièce, la percussion est-elle rarement frappée mais plutôt "nappée", rejoignant les sons continus de l'orgue dans des trames où ils se confondent, se masquent, transparaissent l'un de l'autre, échangent leurs résonances et se transforment mutuellement. Il fallait pour cela passer outre les principes de l'écriture musicale, et les hauteurs "déterminées" ou "indéterminées" des tuyaux, gongs ou cymbales, pour aller chercher la chair du son instrumental et organiser ses fluctuations, sa brillance ou sa rugosité. L'orgue, lui, est passé au travers d'un filtre qui le prive de ses sonorités les plus tranchées pour privilégier la fluidité et la continuité acoustique.
Du point de vue des recherches sonores, cette pièce poursuit dans la voie de mon Etude de transparence pour orgue à 4 mains. Cependant, son titre et son imaginaire la rattachent aussi à ma cantate Torpeurs, pour deux voix et quatuor à cordes.
"La nuit sera calme" : étrange prophétie formulée par Romain Gary pour conclure son livre du même nom. Si elle invite l'auditeur à entrer dans une écoute qui dépasse l'agitation de la vie diurne et s'ouvre à une intériorité plus mystérieuse, son écho funèbre suggère d'autres interrogations et fait sourdre une angoisse diffuse. Malgré le temps suspendu et le diaphane des sonorités, peut-être vaut-il mieux rester sur ses gardes, et l'oreille à l'affût, avant que cette nuit-là ne tombe tout à fait.
Nomenclature des percussions
1 tam-tam (large)
4 cymbales (petite, moyenne, grande et très grande taille) + 1 chaîne
4 triangles (aigu à grave)
crotales (1 octave aigue)
1 cymbale rotosound (si possible)
5 temple-blocks (aigu à grave)
1 tambour de bois (grave)
1 maraca (grave)
4 cloches à vache
3 gongs
[...] S'ensuivit une création de Thomas Lacôte, sa troisième commande de Radio-France après Et l'unique cordeau des trompettes marines pour orgue (2006) et Rursum funde pour six musiciens (2016), dans laquelle le compositeur, pour la première fois, fait appel à la percussion : La nuit sera calme. "Etrange prophétie formulée par Romain Gary pour conclure son livre du même nom. Si elle invite l'auditeur à entrer dans une écoute qui dépasse l'agitation de la vie diurne et s'ouvre à une intériorité plus mystérieuse, son écho funèbre suggère d'autres interrogations et fait sourdre une angoisse diffuse. Malgré le temps suspendu et le diaphane des sonorités, peut-être vaut-il mieux rester sur ses gardes, et l'oreille à l'affût, avant qu'elle ne tombe tout à fait", précise Thomas Lacôte, lui-même magnifique instrumentiste et naturellement présent. Dans cette oeuvre d'une matière quasi insaisissable et d'une douceur presque inquiétante, usant de glissements de sonorités absolument fascinants, l'entrée en jeu de Jean-Claude Gengembre (au centre d'un triple pupitre de percussions d'une extrême diversité, utilisant chaque pupitre séparément en fonction des oeuvres) apporta indéniablement un plus au Grenzing, soudainement porté, comme d'ailleurs tout au long du reste du programme, par l'intense vibration des percussions, source de vie et de mise en mouvement palpable de l'onde sonore, qui souvent fait défaut à la palette de cet instrument monumental mais "droit". [...]
www.concertclassic.com
Voici une partition contemporaine pour le moins originale par Thomas Lacôte, titulaire de l'orgue de l'église de la Trinité et professeur d'analyse au conservatoire national supérieur de musique de Paris. Sous le titre (emprunté à Romain Gary) : La nuit sera calme, en associant orgue et percussion (qu'il expérimente pour la première fois), il a "imaginé des alliages de sonorités aptes à tisser des liens d'interaction entre ces deux mondes sonores. Percussion (riche de 10 instruments) "nappée" plus que frappée rejoignant "les sons continus de l'orgue dans des trames où ils se confondent, se masquent, transparaissent l'un de l'autre, échangent leurs résonances et se transforment mutuellement." Le compositeur recommande "d'équilibrer les dynamiques pour favoriser le maximum de fluidité entre les sonorités de l'orgue et de la percussion et de veiller à éviter l'inertie dans les enchaînements et échanges entre les deux instruments". Il précise, pour les cymbales : "Laisser toujours résonner", "baguettes au bord" - pour la cymbale cloutée : "baguettes au centre" - pour les temple blocks : "baguettes douces" et la nature du roulement ("très serré")... L'ensemble se termine sur un "roulement circulaire ralenti peu à peu"... Oreilles, soyez à l'affût : extension de la "machine-orgue" : qui l'eût dit, qui l'eût cru...
Musique Sacrée/L'organiste n°327 (janv. 2020)