Memoria
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20/04/2023 - Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès - Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov (direction)
Parlez-nous de la genèse de cette partition composée dans le cadre de votre résidence l'orchestre philharmonique de Strasbourg ?
J'ai composé Memoria à l'intention des cordes de l'Orchestre, reconnaissables par leur chatoyance et leur densité, tout en sachant que la prochaine oeuvre qui verra le jour pour la phalange sera dédiée à la grande formation.
La partition est née suite à l'offensive, en septembre 2020, de l'Azerbaïdjan alors soutenu par l'armée turque et qui envahit une partie du Haut-Karabagh, en Arménie. Pour des raisons familiales, cet événement déjà dramatique en soi. m'a bouleversé. Je connais cette région arménienne et j'ai éprouvé l'horreur de la guerre, doublée d'une colère devant le désintérêt d'une grande partie de la communauté internationale pour le sort des populations arméniennes. La vision de jeunes hommes de l'Université française d'Erevan, tués au combat, m'a révolté. C'est à eux que je dédie Memoria.
Comment avez-vous conçu la partition, tant dans la forme que dans l'expression ?
Elle est bâtie en un seul mouvement, dans une forme cycle. En effet, le début est un grand crescendo et la fin, un grand diminuendo qui semble lui répondre. En son milieu, la pièce intègre une grande cadence pour le violon solo, métaphore de la place de l'individu dans une société bouleversée. L'écriture des cordes est totalement divisée. Je me suis laissé guider au fil de la plume, dans un geste continu. C'est une musique qui génère des transformations, des métamorphoses, des multiplications de couleurs. L'époque de l'écriture, c'est-à-dire celle du confinement, a vu aussi la composition de deux quatuors à cordes et d'un concerto pour quatuor à cordes. De fait, l'influence de ces œuvres marque Memoria, dont la pensée complexe en termes de timbres, notamment, peut faire songer à l'univers de la musique électroacoustique.
Vous évoquez la notion de forme cyclique. Cela peut-il concerner des motifs, voire des thèmes inspirés par exemple, par la musique arménienne ?
Il n'y a pas de réminiscences de folklores, mais l'emploi de micro-tonalités dans la partie dédiée au violon solo peut suggérer, à l'oreille, quelques sonorités orientalisantes. Il y a beaucoup de formules répétées très rapidement, sous forme de boucles et qui accentuent la densité expressive de la partition. C'est donc une pièce très active - avec énormément de notes à jouer ! - mais aussi contemplative, car celles-ci s'inscrivent dans des durée longues.