« Ici, toute nature existante s'est fait engloutir par l'énergie prédatrice des mondes urbains en expansion. »
Telle était l'expression à faire frémir - à faire trembler, cliqueter, vaciller, à ébranler, onduler, froisser... - de Bastien David pour embrasser Urban Song, créée en février 2020 au Festival Présences. Deux ans après l'arrêt du monde, le tumulte de la ville et le déraillement de notre système ont laissé place à Chlorophyll synthesis et sa Nature créatrice. C'est un éloignement, une retraite, un se-laisse-aller vers les profondeurs telluriques, une plongée silencieuse dans l'instant : microscopique, immensément végétal. Alors, l'idéal de la pièce se situe peut-être quelque part au croisement des êtres vivants ; à leur rencontre.
Symbiose et syntropie d'un chœur d'enfants dont chacune et chacun est soliste mais jamais solitaire, technologie nouvelle et primitive du métallophone et ses six fois dix doigts, organicité communicative de l'ensemble instrumental : ces trois entités sont comme trois organes, eux-mêmes composés de tant de corps en dépendance, en fonctionnement, en vie. Le son découvre un espace où le "temps des plantes" couru et parcouru sans cesse par l'utopique et patiente procession des insectes. Ceux-là ne peuvent en faire le tour dans leur propre existence, mais leur conscience large, immanente, veille à leur interminable défilé. Chlorophyll synthesis, deuxième mouvement d'un voyage encore inachevé, incarne un changement radical et volontaire de paradigme ; une manière différente d'exister, audacieusement poétique et infiniment sensible, où la complicité humaine et non-humaine deviendrait fondatrice d'un imaginaire, celui d'un monde autre que nous pourrions composer avec et pour les générations futures.
« Loin de là, au demi-jour d'un sous-bois oublié, la flore nous confie son présage de par la pensée. »

Léonard Pauly