Lullaby
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Quelques compositeurs se sont emparés du genre de la berceuse par le passé : Chopin a fait de sa forme répétitive et statique un levier pour déployer la résonance du piano, Brahms y a développé dans plusieurs de ses oeuvres une expression lyrique très personnelle, et plus récemment Lachenmann a lui-même écrit une Wiegenmusik ("musique qui berce") pour piano, un travail centré sur l'extinction du son... Dans Lullaby, j'ai voulu récupérer ce genre qui me semblait très déphasé par rapport à nos préoccupations contemporaines d'écriture musicale, en prenant sa simplicité inhérente comme une sorte de défi.
Lullaby est une berceuse mise à nu, réduite à son squelette le plus élémentaire : un mouvement de balancier entre deux sons, en luttant avec le silence, se transforme au fil de ses répétitions - une sensation métrique ternaire est comme enfouie, et l'harmonie de toute la pièce est construite sur quelques notes. J'ai donc cherché à jouer avec un matériau proprement "enfantin", en partant également de nombreuses contraintes sur le plan instrumental : les cordes jouent exclusivement en harmoniques effleurées sur les cordes à vide, tandis que la clarinette joue un nombre limité de sons multiphoniques, choisis non pas pour leur habituelle complexité, mais pour produire au contraire des timbres très lisses, diaphanes, généralement sous forme de secondes ou d'octaves légèrement faussées...
De manière générale, l'ensemble instrumental est pensé comme une sorte d'instrument-jouet aux possibilités très limitées, à la mécanique un peu détraquée aussi, peut-être usée par le temps...
Tobias Feierabend