Vocalises minute
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Présentation
Ces vocalises sont faites pour trouver la virtuosité de sa voix, et sa fluidité dans une écriture d'aujourd'hui. Vous y trouverez quelques fondamentaux comme les grands intervalles, la longue tessiture, pour toutes les voix, le chromatisme, le tempo rapide vocalisé, les slanci ou glissati, les quarts de tons, les nuances ainsi que les tenuti pianissimi ou encore le decrescendo finissant sur "un fil di voce".
La valeur ajoutée sur le plan rythmique habituera le chanteur à combiner les textes sur une pulsation interne permanente malgré l'exécution de la mélodie étudiée.
Les tenuti ouvriront l'imaginaire du chanteur en y plaçant le texte, ad libitum.
Les respirations inaudibles pour certains textes - proches de la mélodie ou du récitatif - côtoieront quelques inspirations et expirations audibles, ou sons-bruits fantômes.
J'accorde beaucoup d'importance à l'articulation du texte en bouche, et à la place des lèvres dans l'acoustique du son. En effet, le chanteur transporte son propre théâtre à l'italienne partout et son palais devient alors le fin connaisseur de la place des aigus et sur-aigus.
Le chanteur est un gourmet de sa bouche et de tout son appareil phonatoire et respiratoire.
Le "sprechgesang" aura une large part dans ces vocalises.
Quelques nouvelles idées d'écritures apparaissent comme celles des agrégats ou arpèges, les pleurs, les rires, la main devant la bouche, le rauco, les sons soufflés, le bruit des lèvres, la langue sortie roulée sur la lèvre supérieure, les claquements de langue, le vibrato glottique.
La présence du chanteur sera indispensable pour donner du sens aux textes empruntés au répertoire des opéras classiques choisis. Ces Airs connus par coeur par chaque chanteur, que ce soit Carmen, Adolar, Méphistophélès, Mab, Pédrillo, Marina, Anna Bolena, Lucrezia, Philippe II, Urbain, La Reine de la nuit, Vulcain, Sarastro ou Erda, pour n'en citer que quelques-uns, glisseront peu à peu dans des traitements - stylistiques et vocaux - déformés par tout ce que j'ai cité plus haut : à savoir que la virtuosité prend le pas sur la texture du texte et de la voix : des phonèmes en lien avec la compréhension du texte, ou non, agrémenteront la réactivité du chanteur, vers une attitude ludique, inventive et drôle, bien que précise et technique.
La sûreté des attaques sera appréciée, comme l'apprentissage des différents effets vocaux (une vingtaine, en tout) et de leurs cryptogrammes respectifs.
Si cette collection s'adresse à des chanteurs expérimentés et sûrs de leur technique globale, elle provoquera certainement des prises de conscience sur le couple voix et répertoire, peu évident à mettre en place chez de jeunes artistes, appelés à mûrir, à expérimenter, donc à évoluer dans leur répertoire, et leur confort d'émission.
La beauté de l'instrument est indispensable pour défendre le cadre scénique de chaque vocalise : j'invite les jeunes chanteurs à croiser la voix, sa technique avec le jeu, l'amusement et sa virtuosité.
La soif et le bonheur de chanter se mesureront à la discipline de l'apprentissage. Jeunes artistes doués et patients, devenez ces êtres-bouches à la fois chanteurs-conteurs-hypnotiseurs et connaisseurs alchimiques du pouvoir colossal de la voix humaine.
Ouvrez vos cerveaux et vos bouches : le monde vous réclame !
J'ai écrit ces 10 vocalises en voulant défendre l'intelligence des ténors. Cette voix emblématique de la suavité pour les "di grazia", comme de l'opulence pour les "helden" et "forts ténors" séduit le public. La voix de ténor est particulière parce que aiguë dans un corps d'homme.
Et cette altérité mérite le détour vis-à-vis des performances difficiles que le répertoire d'aujourd'hui leur propose, imposant donc une technique solide, un tempérament artistique et scénique très évolués avec des physiques, qui avouons-le, n'ont rien à voir avec les ténors de jadis, à part quelques exceptions.
Ayant beaucoup chanté avec "mes ténors" en tant que soprano coloratura, j'ai eu tout le loisir et la grande chance de les examiner dans leur mise en voix, d'écouter parfois leurs confidences, et de m'interroger sur le trou béant du manque d'outils pour passer d'une voix naturelle et facile à une technique de rôles contemporains.
J'ai utilisé essentiellement trois langues (italien, allemand et français) pour illustrer ces 10 vocalises : 6 seront avec accompagnement de piano, et 4 seront pour voix solo, privilégiant le "ténor buffo" avec 2 textes, le "ténor di grazia" et le "helden ténor". Le niveau technique exigé dans ces pièces pour voix solo peut paraître exigeant, virtuose et demandant une grande concentration dans l'exactitude de l'exécution de la justesse et des effets vocaux. Certains effets serviront la dramaturgie du personnage avec des effets appropriés, ludiques parfois, mais délicats à mettre en bouche.
Chanteurs curieux, ouvrez ces pages et séduisez-nous !
I. Son un poeta - II. Florestan - III. Adolar - IV. Le clown - V. Bella voce - VI. Pedrillo - VII. Della sua pace - VIII. Eleazar - IX. Monostatos - X. Don José
Publiées aux Editions Lemoine, les Vocalises - minute pour voix et piano d'Elena Vassilieva sont bien plus que des exercices traditionnels préparatoires pour chanteurs. D'abord parce qu'elles s'adressent à "des chanteurs expérimentés et sûrs de leur technique globale" - ensuite parce qu'elles contiennent toutes des effets vocaux d'aujourd'hui : sprechgesang, son-bruit, son et air, ou encore, selon l'auteur, quelques nouvelles idées telles que pleurs, rires, mains devant la bouche, et même agrégats (en fait arpèges). Tous ces effets sont répertoriés au début de chacun des cinq volumes - cinq volumes qui s'adressent à toutes les tessitures (soprano, mezzo-alto, contre-ténor et haute-contre, ténor, baryton-basse). Précisons que l'on peut télécharger et écouter ces effets vocaux, avec des explications, sur le site de l'éditeur.
Si Elena Vassilieva, elle-même soprano dramatique, a écrit certaines des vocalises, elle s'est aussi inspirée du grand répertoire, qu'elle a retranscrit dans un langage contemporain. Chacune des vocalises, en outre, se réalisera sur un texte (original ou classique revisité). Ajoutons que la partie d'accompagnement, présente dans la plupart des vocalises, requiert un assez haut niveau pianistique. Au ?nal, ces vocalises minute ont bien l'allure d'oeuvres à part entière.
Michaël Sebaoun
La Lettre du Musicien n°493 (mai 2017)
Si Elena Vassilieva, élève de Régine Crespin et sortie avec ses Premiers prix du Conservatoire national supérieur de Paris en 1977, a chanté bien des grands rôles de soprano dramatique du répertoire, de Mozart à Verdi ou de Gounod à Strauss, elle a tracé la voie de sa voix dans le répertoire contemporain d'opéra et de musique de chambre, d'Edison Denisov à Ivo Malec, Gérard Grisey, John Cage, György Kurtág, etc. Des oeuvres lui sont dédiées de Philippe Leroux, Wolfgang Rihm, Hans Werner Henze et autres.
Ayant certainement fait ses gammes dans le Vaccai, et dans la pratique réfléchi à ses limites et à la manière de travailler les nouveautés que les compositeurs demandent à son instrument, quarts de ton, Slancio, Sprechgesang, les sons-bruits, les effets dramatiques, sons dans auteur, même le claquement des mains, elle propose cinq cahiers de dix "vocalises minute", pour toutes les tessitures, du baryton-basse à soprano, jusques y compris contre-ténor et haute-contre.
Ces vocalises sont accompagnées d'une partie de piano, et sont écrites sur des paroles, l'auteur pensant que le sens poétique est indispensable au chant, et semble vouloir écarter l'idée de vocalises mécaniques au profit de la musicalité et de la dramaturgie.
Elles sont issues du grand répertoire, évidemment différentes pour chaque tessiture, ou réalisées par Elena Vassilieva elle-même.
L'auteur distingue également les différents emplois des tessitures : lyrique, colorature, dramatique, Lirico-spinto ou Leggero, soprano soubrette, baryton léger, martin, Verdi, basse profonde, etc., avec des vocalises adaptées.
Jean-Marc Warszawski
www.musicologie.org (16 mars 2017)