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31/03/2019 - Genève (Suisse), Festival Archipel, Maison communale de Plainpalais - Duo Xamp : Fanny Vicens, Jean-Etienne Sotty (accordéons)
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ConnexionArchip-elles à Genève mise sur la création féminine
[...] Très attendu, le concert du soir affiche la création mondiale de Paradiso, la nouvelle oeuvre d'Edith Canat de Chizy pour douze voix et deux accordéons microtonals, ceux du duo Xamp, Fanny Vicens et Jean-Etienne Soty.
C'est avec les accordéons chromatiques que le duo débute la soirée, dans une transcription d'un prélude d'Elisabeth Jacquet de la Guerre (Jean-Etienne Soty) et l'accompagnement d'un air de Barbara Strozzi (Fanny Vicens) que chante Magali Perrot Dumora. Marc Texier, dans sa présentation toujours très argumentée, nous rappelle que 2019 est l'année du 400e anniversaire de Barbara Strozzi (née en 1619), femme libre et compositrice prolifique qu'il tenait à faire figurer dans cette édition au côté d'Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729). Enfant prodige, cette dernière fut soutenue toute sa vie par Louis XIV et produisit en 1694 le premier opéra composé par une femme.
Trois autres compositrices d'aujourd'hui tiennent l'affiche dans un programme mettant en lien la voix et la poésie. La trompette bouchée vient subtilement hybrider la texture vocale du choeur dans Eure Augen d'Isabelle Mundry. De Nuit (2004), les deux chants de la doyenne Betsy Jolas, sur des textes de Victor Hugo, laissent apprécier la conduite libre et expressive de la ligne vocale a cappella (Caroline Gesret) dont le profil escarpé et les détours ornementaux ne laissent d'évoquer l'arabesque boulézienne. Dans Bruyères à l'automne (2014) sur un texte de Florence Delay pour douze voix a cappella (celles du choeur Spirito très en verve), Graciane Finzi fait alterner le parler et le chanter d'une manière aussi théâtrale que facétieuse. Le duo Xamp a changé d'accordéons dans Vega, la pièce d'orgue d'Edith Canat de Chizy. Ils ont eux-mêmes réalisé la transcription pour leurs deux instruments microtonals qui, mieux encore que les tuyaux d'orgue, restituent l'aura scintillante de l'étoile.
Après Visio (2017) sur les poèmes de la sainte Hildegard von Bingen, Edith Canat de Chizy invoque Dante Alighieri dans Paradiso. Le texte, louvoyant entre l'italien et la traduction française, emprunte à la troisième partie de La Divine comédie où le poète franchit les neuf sphères avant d'atteindre le dixième ciel dit Empyrée, là où il s'éteint complètement en Dieu. L'oeuvre convoque les douze voix du choeur Spirito et les deux accordéons microtonals de Xamp dont les sonorités évoquent plus d'une fois celles de l'électronique de Visio. C'est le mouvement ascensionnel qui concentre l'intérêt de la compositrice et le traitement de la voix où le parler et le chanter se relaient en une trajectoire aussi fluide qu'organique. Les registres du choeur sont associés aux textures microtonales des accordéons, dans les graves abyssaux ("L'ombre de la terre") comme pour la lumière du dixième ciel où le sifflement des chanteurs se fond au registre suraigu des deux instruments. Sous le geste habité de Nicole Corti galvanisant ses interprètes, un vent de ferveur souffle sur la partition en création. [...]
Michèle Tosi
www.resmusica.com (03/04/2019)