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un extrait
03/06/2022 - Avignon, Opéra - Henri Demarquette (violoncelle), Orchestre national Avignon-Provence, Debora Waldman (direction)
Ecrire un concerto aujourd'hui
La constitution de l'orchestre symphonique a obéi depuis la fin du XVIII siècle d'une part à la structure du système tonal, et d'autre part au développement de la recherche du timbre par les compositeurs, en étroite relation avec l'évolution des lutheries.
Le concept même d'orchestration aurait débuté à la fin du baroque avec les fils Bach, Mannheim et Mozart, Haydn et Beethoven, c'est-à-dire au passage du XVIII au XIX siècle, clans une interaction importante avec l'évolution du pianoforte mais aussi la musique française de la Révolution Française.
On pourrait analyser l'évolution de l'orchestre symphonique et sa composition en groupes instrumentaux constitués incluant progressivement les nouveaux cuivres, les percussions diverses, la harpe, le piano et les nouvelles technologies (l'histoire du répertoire orchestral de Beethoven à nos jours) à la lumière de l'évolution de langages donnant un rôle prépondérant au coeur de l'écriture musicale à la recherche acoustique, aux timbres inouïs et l'espace.
Cette trajectoire évolutive de la constitution de l'orchestre symphonique était inscrite dans le concept d'orchestration mais elle n'est pas irréversible.
Ecrire aujourd'hui une oeuvre pour une formation strictement revenue à la structure et aux proportions des groupes instrumentaux ramenés à la formation-type de l'orchestre beethovenien, dans une disposition spatiale strictement frontale, pourrait sembler "à contre-courant" si on croit de façon trop dogmatique que la modernité obéit à un sens de l'histoire qui n'irait que dans un seul sens !
En réalité, un tel projet (sur lequel se réunissent trois orchestres qui reprendront l'oeuvre dans trois lieux différents) offre une possibilité au compositeur de créer une forme et un monde sonore qui échapperait à ce qui est peut-être devenu esthétiquement réducteur : l'emprise de la recherche acoustique sur les invariants et la force abstraite de l'écriture ainsi que la forme musicale.
La relation polyphonie-harmonie qui traverse l'ensemble du Concerto est basée sur des canons entre les instruments procédant par évolutions faisant évoluer polyphoniquement et alternativement les intervalles des accords et des harmonies en doubles-cordes de la mélodie du soliste.
Cela a été pour moi l'enjeu du travail que j'ai consacré a la composition du Concerto pour violoncelle. A la suite de ma rencontre avec le violoncelliste Henri Demarquette (avec lequel j'ai donné en concert l'intégrale des Sonates de Beethoven), j'ai imaginé un langage mélodique et expressif de l'instrument soliste issu d'une écriture polyphonique et harmonique de l'orchestre, basé sur le déploiement d'échelles modales évolutives et de grilles d'accords harmoniques qui se construisent et se déconstruisent polyphoniquement et constituées d'hauteurs instables que j'appelle le "pleur du son".
L'écriture mélodique, souvent en double-corde du violoncelle solo (issu des mouvements des grilles harmoniques de l'orchestre) est-elle même polyphonique.
ll s'agissait pour moi de trouver pour le violoncelle solo ce qui constitue son langage et son répertoire : une vocalité et des affects qui sculptent la mélodie et ses ponctuations.
Ce sont ces affects qui inspirent les titres des quatre mouvements de ce Concerto : Choral en larme ll /Tourment/ Nocturne/ Epilogue.
Michaël Levinas (mars 2022)
Retrouvez ici tous les audios, vidéos et autres documents (accompagnements, manuel du professeur, etc.) en téléchargement.
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