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Opéra en 3 actes et 12 tableaux
Livret de Dorian Astor
Après L'Autre côté créé en 2006 à l'Opéra du Rhin et Akhmatova qui fut donné à l'Opéra Bastille en 2011, Voyage d'automne est mon troisième ouvrage scénique. Comme les deux opéras précédents, il explore un sujet qui me questionne et m'obsède depuis toujours : les conditions de la création artistique dans un contexte politique autoritaire. Si pour mes deux premiers essais, il s'agissait de montrer comment un graveur puis une poétesse russe arrivaient à produire malgré l'oppression dictatoriale, j'ai choisi ici de mettre en scène la situation contraire. En effet, les héros de ce nouvel opus ont délibérément fait le choix de la collaboration avec l'occupant nazi. Dans les deux premiers volets de mon triptyque opératique, Alfred Kubin et Anna Akhmatova considéraient la création comme un acte de résistance. Ici, c'est la soumission à la pire des idéologies qui est présentée.
J'ai découvert l'ouvrage de François Dufay, Le Voyage d'automne, il y a une quinzaine d'années. Dès ma première lecture de ce récit historique, j'ai été convaincu qu'il recelait tout ce que j'attendais d'un texte pour un futur opéra. Les cinq écrivains français, grandes plumes de l'entre-deux-guerres, sont en effet des personnages fortement caractérisés que j'avais très envie de mettre en scène. Du Voyage d'automne froid et flegmatique Jacques Chardonne, totalement insensible au sort des juifs, ayant l'écriture pour unique préoccupation, à l'impulsif Ramon Fernandez, noceur qui ne vit que pour l'alcool et le sexe en passant par l'insaisissable Marcel Jouhandeau, antisémite notoire dont l'homosexualité est l'unique objet de ses questionnements, tous sont unis par un égoïsme et une indécence qui ne cesseront de s'exprimer dans cette narration. En dehors de ce huis-clos exclusivement masculin et particulièrement étouffant, trois tableaux sont inspirés par un poème de Gertrud Kolmar, assassinée à Auschwitz en 1943 et dont la Songeuse est une mise en abîme de la « comédie » bourgeoise et décadente où s'affairent écrivains français et officiers allemands. Mettre en musique le livret que Dorian Astor a tiré de l'essai de François Dufay a rythmé mon quotidien pendant presque deux ans. Composer un opéra est un acte éminemment politique et mettre en scène un des moments les plus sombres de notre histoire est aussi une prise de position personnelle dans le contexte actuel où les idéologies les plus intolérantes recommencent à s'afficher de façon totalement décomplexée.
Bruno Mantovani
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