L'origine de cette sollicitation que m'est faire par le Festival de la Chaise-Dieu et la volonté du Festival de commander de nouvelles œuvres sacrées en dialogue avec des œuvres majeures du répertoire, et s'emparant de leur formation instrumentale et vocale au sein d'un même concert. Le Requiem de Fauré, dans sa version première, redécouverte dans les années 1980, a ainsi constitué l'impulsion première pour moi projet de création. Cette impulsion a pris deux visages distincts : le texte et la formation instrumentale, tous deux constituant des moyens puissants de médiation d'une nouvelle création auprès du public.
Comment répondre à un Requiem ? Il m'a semblé très vite exclu de m'emparer du même texte, pour au contraire aller lui chercher, en un certain sens, son versant opposé. Je me suis ainsi aperçu que le rituel chrétien du baptême n'avait connu aucune mise en musique notable : aucun répertoire grégorien ne lui est spécifiquement associé, pas plus qu'une quelconque œuvre marquante de "musique sacrée" dans les siècles qui suivent. Cette absence d'histoire musicale, pour un rite aussi emblématique, m'a semblé autant une énigme qu'une opportunité à saisir. Il y a là en effet un ensemble de symboles qui dépassent largement l'expression d'une communauté religieuse, et font écho à des rites d'initiation dans de très nombreuses cultures : eau, souffle, lumière, sel, vêtement blanc, interrogations et répons, exorcismes, etc. C'est le fil de ce rituel que j'ai souhaité suivre, et son évident potentiel dramatique tout autant que symbolique, pour une œuvre d'une demi-heure environ, en plusieurs mouvements contrastés comme autant d'étapes initiatiques de ce rituel. J'ai souhaité également m'emparer de sa dimension spatiale, particulièrement signifiante pour une création prévue dans l'abbatiale de la Chaise-Dieu, chef d'œuvre de l'art médiéval, espace rituel et espace sonore à prendre en mains.
La formation si singulière du Requiem de Fauré a constitué également un point d'appui et un levier stimulant pour l'invention. Orchestre sans violons et sans bois, centré donc sur le medium grave, il peut aussi être compris comme un réservoir de formations de chambre inédites, propres à donner à chaque rite sa couleur instrumentales singulière, comme par exemple dans le 2nd mouvement : soprano solo, 3 trombones avec sourdines, harpe, célesta (choisi ici en lieu et place de l'orgue de Fauré), 2 altos solos, 1 contrebasse solo, répondant au tutti. Face au risque de standardisation des formations instrumentales dans la création aujourd'hui, cet ensemble aux confins de l'orchestre, de l'ensemble et de la musique de chambre m'a paru être une opportunité féconde.
Le chœur enfin, et les deux solistes, favorisent l'aspect responsorial que j'ai retenu dans le titre, tout autant qu'ils constituent à eux seuls un véritable orchestre : chœur parfois divisé et dilué jusqu'à 16 voix, parfois groupé comme une masse répondant au seul soliste baryton.
Au sein de mon parcours de compositeur, cette œuvre fait immédiatement suite à plusieurs œuvres orchestrales, et plusieurs œuvres vocales (O luna freja, Sept jours, Plus rien que ton nom). Elle trace ainsi une intersection entre plusieurs de mes préoccupations, auxquelles j'ajouterais l'immersion musicale dans des lieux historiques, tels que ma pratique d'organiste m'amène à en côtoyer fréquemment depuis plus de 20 ans. Ce projet d'ampleur trace ainsi d'évidentes continuités historiques, tout autant qu'il permettra au public du Festival de La Chaise-Dieu, je l'espère, d'entrer dans une nouvelle œuvre guidé par ces points d'appui.

Thomas Lacôte