WYSCHNEGRADSKY Ivan

1893 - 1979

Ivan Wyschnegradsky naît le 4 mai 1893 à Saint-Pétersbourg, dans une famille de grande culture. A dix-sept ans, il étudie l'harmonie, la composition et l'orchestration avec Nicolas Sokolov, professeur au conservatoire, lui-même élève de Rimsky-Korsakoff. Cependant celui qui a marqué son oeuvre, celui qu'il considère comme son maître spirituel, est Alexandre Scriabine. Sa jeunesse est immergée dans la chaleureuse atmosphère de Saint-Pétersbourg, où règne le symbolisme du tournant du siècle, un monde qui reste ouvert à tous les courants d'avant-garde, futuristes ou constructivistes.
En février 1917 il s'enthousiasme, comme toute la jeunesse, pour la révolution. Il en restera une suite de chants révolutionnaires, L'Evangile rouge, pour baryton et piano.
L'événement majeur de sa vie se situe ailleurs. En novembre 1916, il est bouleversé par une expérience qu'il pouvait à peine évoquer avec des mots : "j'ai vu la grande lumière en plein jour." - Désormais il assigne à son travail de compositeur un but, "créer une œuvre capable de réveiller en chaque homme les forces assoupies de la conscience cosmique." Cette oeuvre sera La Journée de l'Existence, grandiose poème pour récitant et orchestre symphonique, écrite pendant des mois de fièvre en 1916 et 1917. Elle deviendra la source de toute son oeuvre ultérieure. Elle a été créée en sa présence, 60 ans plus tard, à Paris en 1978. Ce fut certainement l'un des événements musicaux de la fin du vingtième siècle.
Pour donner vie à sa musique, il conçoit un univers sonore en micro-intervalles (intervalles inférieurs au demi-ton chromatique) : en quarts de ton, puis en tiers, sixième et douzième de ton. Le jeune compositeur s'impose maintenant une nouvelle tâche : établir les fondements philosophiques et théoriques du continuum et des micro-intervalles (l'ultrachromatisme).
Ses compositions antérieures avaient déjà été données en concert en 1914. Les milieux d'avant-garde russes s'intéressent à son travail. Le temps est venu de faire retentir sa musique révolutionnaire, pour laquelle n'existent pas encore d'instruments. Dans ce but il quitte Saint-Pétersbourg pour rencontrer les principaux facteurs de piano d'Europe, à Paris et Berlin. Finalement, le piano en quarts de ton construit par la firme Förster (Georgswalde, aujourd'hui Ji?íkov, Tchéquie) voit le jour. Il sera livré en 1929 à Paris, où il réside depuis 1923. Le compositeur insiste sur le fait qu'il n'a pas quitté la Russie pour fuir le communisme, mais pour réaliser cet instrument indispensable à son travail.
Pour Ivan Wyschnegradsky commence une intense période de création et de recherche théorique. Outre les oeuvres pour piano en quarts de ton il compose des quatuors à cordes, des mélodies et oeuvres pour choeur. Il développe ses idées dans des revues, il commence à être connu dans les cercles de musique contemporaine. Mais, aucune de ses oeuvres n'étant jouée en concert, il comprend qu'il doit renoncer à des instruments spécifiques pour la musique ultrachromatique. Aucun pianiste n'est prêt à se mettre à la technique exigeante du piano en quarts de ton. Il lui faut revenir à l'expérience initiale du nouvel univers sonore : deux pianos accordés à distance d'un quart de ton.
Et enfin, le 25 janvier 1937, la salle Chopin-Pleyel (Paris) affiche un Festival de musique à quarts de ton, pour deux et quatre pianos accordés deux à deux à distance d'un 1/4 de ton. Lui-même dirige cet orchestre pianistique encore jamais entendu. Le concert s'achève sur une œuvre mûrie depuis longtemps, Ainsi parlait Zarathoustra, symphonie pour quatre pianos. Ce concert a un retentissement considérable. Charles Koechlin et Olivier Messiaen, entre autres, accueillent sa musique et ses idées. Les années de guerre mettront brutalement fin à ces projets. Il entre dans une période de passivité artistique obligée. Le 10 novembre 1945, le compositeur organise un nouveau concert d'oeuvres en quarts de ton à la salle Chopin-Pleyel.. Les quatre pianistes sont de ses élèves et amis : Yvette Grimaud, Yvonne Loriod, Pierre Boulez et Serge Nigg. L'avenir semble prometteur.
Il remet sur le métier son maître livre, La Loi de la pansonorité (qui devra attendre 1996 pour être publié). Il entre dans une période d'une exceptionnelle fécondité. Il écrit des oeuvres pour orchestre, pour ondes Martenot, il s'intéresse aux premiers pas de la musique électro-acoustique (appelée encore musique concrète), mais surtout il approfondit sa maîtrise de l'ultrachromatisme. Or, ces années sont celles du règne de la musique sérielle dans les milieux d'avant-garde. La postérité de Schoenberg a provisoirement supplanté celle de Scriabine. En 1972, La Revue Musicale publie, sous la direction de Claude Ballif, un numéro spécial consacré à Nicolas Obouhov et Ivan Wyschnegradsky. Ce dernier reçoit de Montréal des lettres de Bruce Mather, compositeur et pianiste, qui s'apprête à jouer ses oeuvres en concert. Par la suite il en jouera, dirigera et enregistrera de nombreuses autres.
Le premier concert "officiel" du compositeur est organisé par Martine Joste à la Maison de la Radio (Paris) en 1977. L'année suivante, une Journée Ivan Wyschnegradsky est programmée par Alain Bancquart. L'après-midi du 21 janvier 1978, sont jouées des oeuvres du compositeur et d'autres choisies par lui. Le soir, est créée La Journée de l'Existence, l'oeuvre qui l'a soutenu tout au long de sa vie et qu'il aura enfin le bonheur d'entendre. Un disque gardera le souvenir de cet événement. En 1979, Ivan Wyschnegradsky reçoit de Radio-France sa première commande. Le Trio à cordes, opus 53, sera sa dernière oeuvre, laissée inachevée. Claude Ballif, bon connaisseur de sa musique, en terminera la composition. L'oeuvre a été créée le 16 mars 1981, à la maison de la Radio-France, où elle est jouée deux fois, en début et en fin de concert.
Ivan Wyschnegradsky s'est éteint le 29 septembre 1979.
Maintenant la musique contemporaine se penche sur son passé, elle découvre à nouveau les horizons et les richesses de l'ultrachromatisme.

Ivan Wyschnegradsky naît le 4 mai 1893 à Saint-Pétersbourg, dans une famille de grande culture. A dix-sept ans, il étudie l'harmonie, la composition et l'orchestration avec Nicolas Sokolov, professeur au conservatoire, lui-même élève de Rimsky-Korsakoff. Cependant celui qui a marqué son oeuvre, celui qu'il considère comme son maître spirituel, est Alexandre Scriabine. Sa jeunesse est immergée dans la chaleureuse atmosphère de Saint-Pétersbourg, où règne le symbolisme du tournant du siècle,...