10/02/2002 - Pro Quartet - Fontainebleau (France) - Quatuor Diotima
Le quatuor à cordes représente pour moi le terrain sans équivalent de la radicalité et de l'historicité critique. Dans ce troisième quatuor, c'est l'écriture en soi qui est peut-être le véritable sujet, un sujet à la croisée de l'exhaustivité et de l'unité. L'histoire de la musique a plusieurs fois touché ou effleuré cette croisée : sa forme la plus aboutie, la plus hiéroglyphique, la plus en quête de définitions a été la série dodécaphonique.
Paradoxalement, c'est à partir d'une étrange prémonition de cette dernière que l'idée presque concrète de ce quatuor a commencé à se cristalliser. Bach a clôt son premier clavier bien tempéré par une fugue dont le sujet rassemble un certain nombre de caractéristiques propres à la série dodécaphonique. Ce sujet de fugue - qui par ailleurs n'a pas échappé à Arnold Schönberg - est devenu peu à peu l'ossature de mon quatuor.
Le sous-titre, tiré du Livre des ressemblances d'Edmond Jabès, est à lui seul hautement programmatique et sous-entend la coexistence d'un fort soubassement combinatoire "... écrit, récit : un même mot dans le renversement naturel de ses lettres." et de la puissance d'évocation de l'écriture comme expérience autodidactique "Tout écrit nous propose sa part de récit".
La notion d'oeuvre est au centre de mon travail - l'autonomie de l' oeuvre achevée, son identité d'objet culturel vis-à-vis de ce qu'on appelle la nature tendent à inscrire mon travail de ces dernières années dans un classicisme critique assez éloigné, je le reconnais, des confortables produits post-modernes.
Brice Pauset (novembre 2001)