C'est de From the Leaves of Shadow (1991) qu'est issu ...some leaves II... pour alto solo. La présence d'une "note-mère" (le ré) donne à la pièce certains points de repère auditifs, d'autant que cette sorte de "tonique" ou de note principale revient principalement dans le même registre (ré 3), encadrée à certains moments par une note dans l'extrême grave (do) et une autre dans l'extrême aigu (do dièse). Le compositeur joue sur la présence et l'absence de ce ré, absence qui peut aussi être perçue comme une transposition des repères (fa dièse 3 comme note-mère, mi grave comme "sous-tonique"). Cette oeuvre illustre la très grande maîtrise de Michael Jarrell sur le plan du parcours formel général : l'intérêt est soutenu, la musique a une directionnalité, sans cette sensation de "processus" que l'on trouve souvent chez d'autres compositeurs. Une grande souplesse, une inventivité contrôlée par la rigueur de l'écriture, et une diversité étonnante des couleurs caractérisent ...some leaves ll... L'alto virtuose prend ici le temps de s'écouter, de respirer, de répéter pour mieux imprégner la mémoire de l'auditeur, comblée finalement par le retour de la "note-mère" et du do grave qui l'accompagne...

Pierre Michel,
extrait du livret du disque Solos (aeon).

Parti de From the Leaves of Shadow (1991), concerto pour alto et orchestre où l'instrument soliste devait faire face, parfois dans une franche opposition, à une masse orchestrale relativement imposante, Michael Jarrell continue d'explorer dans ...some leaves II... les couleurs, les registres et les jeux variés d'un instrument qu'il affectionne, autant pour ses sonorités graves que pour ses possibilités cachées de virtuosité.
Dans ...some leaves II... se joue le rappel parfois exact du concerto originel, avec une opposition des registres extrême-aigu (brillant) et grave (plutôt mat), mais aussi tout à la fois la distance nostalgique l'en séparant, caractérisée par une écriture nouvelle nettement plus intimiste qui, dans l'espace ouvert et étendu de l'orchestre symphonique, ne pourrait que difficilement se faire entendre. Cependant, de ces deux aspects si nettement opposés naît peu à peu un équilibre, lequel est rendu tangible dans l'écriture même par l'émergence claire d'une "note mère", ou note pivot, il s'agit du ré, deuxième corde de l'instrument. Cette note, dont la scansion intermittente tend à relier ces extrêmes, joue en définitive le rôle de note modale (entendue dans l'acception de certaines musiques orientales comme celle de l'Inde du Nord), degré dont le contenu affectif ne serait cependant que perçu mais jamais véritablement identifié.

Damien Pousset

Enregistrement

1 CD aeon, AE0101, Solos
...some leaves II... - Offrande - Assonance - Assonance VII - Prisme
Ch. Desjardins - F. Cambreling - P. Meyer - F. Jodelet - H.-S. Kang