Victor Hugo, écrivain du 19ème siècle, et Maurice Journeau, compositeur du 20ème siècle né à la toute fin du siècle précédent, ont un point commun inattendu...
Le premier écrivit un recueil de poèmes de jeunesse intitulé Odes et Ballades. Et, parmi ses odes, Le Matin en avril 1822 à l'âge de vingt ans et La Demoiselle en mai 1827 à l'âge de vingt-cinq ans.
Un siècle après, le second les découvrit. Il lui vint aussitôt l'envie de les mettre en musique. C'était en novembre 1922, il avait alors vingt-quatre ans.
La mort et l'espérance de l'éternité, la beauté et le pouvoir bienfaisant de la Nature, le sens à donner à sa propre vie exprimés par Victor Hugo sont loin d'être des thèmes du Romantisme désuets. Ces grandes questions du passé demeurent importantes chez les jeunes d'aujourd'hui et de tous pays.

Chantal Virlet-Journeau

Odes et Ballades
Livre 5eme (1819-1828)
Ode 8eme : Le Matin

Le voile du matin sur les monts se déploie.
Vois, un rayon naissant blanchit la vieille tour -
Et déjà dans les cieux s'unit avec amour,
Ainsi que la gloire à la joie,
Le premier chant des bois aux premiers feux du jour.

Oui, souris à l'éclat dont le ciel se décore ! -
Tu verras, si demain le cercueil me dévore,
Un soleil aussi beau luire à ton désespoir,
Et les mêmes oiseaux chanter la même aurore,
Sur mon tombeau muet et noir!

Mais dans l'autre horizon l'âme alors est ravie.
L'avenir sans fin s'ouvre à l'être illimité.
Au matin de l'éternité
On se réveille de la vie,
Comme d'une nuit sombre ou d'un rêve agité.

Victor Hugo (avril 1822)

Odes et Ballades
Livre 4eme (1819-1827)
Ode 16eme : La Demoiselle

Quand la demoiselle dorée
S'envole au départ des hivers,
Souvent sa robe diaprée,
Souvent son aile est déchirée
Aux mille dards des buissons verts.

Ainsi, jeunesse vive et frêle,
Qui, t'égarant de tous côtés,
Voles où ton instinct t'appelle,
Souvent tu déchires ton aile
Aux épines des voluptés.

Victor Hugo (mai 1827)