Fumo di pietra qui signifie littéralement "fumée de pierre" est le titre d'une série de lithographies réalisées par Jannis Kounellis dans les années 90 et qui représentent d'étranges figures totémiques, mi-animales mi-humaines, ou autre chose à la limite de l'abstraction.
La musique de Fumo di pietra est l'écho lointain d'un certain geste artistique essentiel qui cherche dans la matière brut - la pierre, le métal, le verre, la poussière, le charbon - la source de ce qu'il est, mais surtout elle se veut avant tout l'écho de cet art dit "pauvre" dont la richesse est celle de tenter de prendre mesure d'un écart, aussi petit soit-il : celui qui sépare la matière et sa transformation en "objet de l'art" (Kunstdinge écrivait R.M. Rilke), celui qui sépare la nature et le geste artistique, les phénomènes naturels et l'action humaine qui cherche à les approcher.
Fumo di pietra est par ailleurs la seconde pièce du cycle Memento, un livre des matières qui regroupe six pièces pour un total de huit instruments, et dont chacune se réfère à une oeuvre des artistes Jannis Kounellis, Claudio Parmiggiani, Richard Long ou Guiseppe Penone. Le cycle fait également appel à des interludes pour percussions et électroniques.
De par son caractère gestuel, un peu abstrait, et usant de figures reconnaissables (notes répétées descendantes, sons brefs et métalliques, rebonds percussifs), de par la référence à des matériaux implicites (le son grave d'une surface en bois, le bruit du vent, la percussion de la pierre), Fumo di pietra s'interroge sur le pouvoir des matières naturelles à devenir musique ou sinon un sonore signifiant.

Jérôme Combier

Note du compositeur