Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il est particulièrement difficile d'écrire une oeuvre soliste ou concertante pour un instrument que l'on a beaucoup pratiqué. Dès que la situation se présente à moi, j'éprouve toujours une forme de pudeur ou de prudence, voire de crainte de m'installer dans la facilité, dans le gestuel. Le manque de distanciation peut conduire l'imaginaire à être plus instrumental que purement musical. Mais quand Benoît Cambreling est venu me proposer d'écrire un concerto pour timbales, je n'ai aucunement hésité, car ces instruments portent en eux un potentiel musical extraordinaire et souvent peu exploité. Ces percussions assurent souvent une forme de fondation harmonique et rythmique à l'orchestre, mais peuvent aussi revêtir un rôle solistique. J'ai donc écrit tout d'abord une étude pour timbales seules qui joue sur les glissandi, les inflexions rythmiques, mais aussi sur le potentiel mélodique. Après cette première étape passée, j'ai commencé à "orchestrer" cette étude, ou plutôt à prolonger la matière instrumentale à l'orchestre en créant des illusions de résonances, des doublures, des échos. Il arrive aussi que les timbales soient un réservoir d'idées pour l'orchestre, qu'elles déclenchent des textures (comme on le dirait pour la musique électroacoustique mixte). Mais l'instrument est ici avant tout traité de façon mélodique, renforcé ou pas par les instruments de l'orchestre qui créent un écrin et l'illusion d'un prolongement.

Bruno Mantovani

Ce concerto pour timbales et orchestre se trouve au croisement de deux lignes de force de la musique de Bruno Mantovani : la percussion et l'écriture soliste concertante.
La percussion est l'instrument du compositeur. L'écriture soliste concertante occupe le compositeur depuis ses premières oeuvres à l'avoir fait connaître (Troisième Round, Mit Ausdruck par exemple), et s'est ensuite développée dans des grandes formes. En témoignent récemment le Concerto pour deux pianos (2012) et Jeux d'eau (2012), son second concerto pour violon et orchestre.
La notion de "dramaturgie", souvent employée par le compositeur pour décrire sa musique, suppose une construction faite d'oppositions ou de complémentarités successives. In and out concentre cette "dramaturgie fondée sur le contraste" dont parle Bruno Mantovani à propos de sa dernière oeuvre pour orchestre (Schlemihl, 2014) en la dirigeant sur, autour de cet instrument "héros" de l'orchestre, les timbales, capables autant de l'envelopper que de s'en détacher, de le guider.

Editions Henry Lemoine